Je vais vous raconter l’histoire de Zouk.
J’habitais à Rouyn, dans mon premier appart nommé Cookie Land à cause de la jarre à biscuits VRAIMENT LAIDE nommée Cookie Panda que mon coloc avait reçu de sa mère. Un moment donné, j’ai eu envie de me pogner un hamster. À l’animalerie il n’y avait que des gerbilles, mélange trop cute entre un hamster et une gerboise. Rendu là, on s’en fout un peu ‘Je prends lui. Il a l’air d’un ninja.’ que j’ai dit.
Arrivé chez moi, la gerbille toute noire s’est avérée rapidement plutôt amorphe. Le p’tit gars était couché sur le côté la majorité du temps. Je le cajolais pas, mais il manquait de rien. Quelques jours passent, je suis réveillé un matin par un grignotement pas mal insistant. Je vais voir la cage. AH BIN! Ma gerbille masculine a eu 3 enfants pendant la nuit et elle est en train de manger le 3e. Comme c’est romantique! On rebaptisa Ninja en Madame Claude - en l’honneur de la dame qui prenait les messages accompagnés de photos de génitales dans la page centrale du très glamour Photo-Police - et je flushai le petit à moitié grignoté. À ce moment-ci, je crois avoir fait ma première erreur. Madame Claude grignotait pas son kid par plaisir, mais par nécessité. De lui enlever ces nutriments importants qu’elle tentait de se refaire ne me semble pas, rétroactivement, une bonne idée. Désolé de ça Madame Claude. J’avais 20 ans et je connaissais tellement tout.
Moi et ma copine Annie on a eu beaucoup de plaisir avec les deux bébés survivants. Pour des raisons que je ne me souviens pas, on les a baptisés Zouk et Zoukette. Mais comme le pelage s’est rapidement avéré aussi noir que leur mère, ça servait pas à grand chose de tenter de les séparer.
Mais bon, je voulais une gerbille, pas 3. J’ai rappelé l’animalerie. Je me souviens que la dame était sèche quand je parlais. ‘Ouin, c’était une femelle, pas un mâle…’ ‘Je vous rembourse pas là!’ ‘Non madame, je veux juste vous en ramener 2 que vous gérerez comme bon vous tente, est-ce que y’a une période de sevrage de la maman?’ ‘On s’en fout, c’est des rats.’ ‘Très bien alors, je vais passer la semaine prochaine.’ Je savais que c’était 2 semaines pour les chiens, faque 2 semaines pour une gerbille…
On a opté pour garder un des modèles nouveau, on présume que c’était Zouk.
Tsé, quand t’as une nouvelle bébelle, c’est l’fun au début…
Je lui avais fait des tunnels PARTOUT dans l’appart. Il pouvait venir dans la cuisine, passait les soirées avec nous devant la TV, je l’aimais bien. Puis ça a commencé à sentir. Parce que ça va pas à la toilette ça… Pas question de tout laver l’installation, je lui ai scrappé son labyrinthe qu’il avait lui-même souillé. Bin bon.
On le sortait de sa cage quelque fois, un de mes colocs, un humain hautement délicat, ne l’aimait vraiment pas. Je ne me souviens plus qui a décidé de lui faire une blague, mais un jour fatidique, Zouk a été déposé sur l’épaule de mon coloc délicat qui réagit en hurlant aiguë et en faisant arvoler le pauvre Zouk directement sur un coin de calorifère. Cet événement aura créé du sang sur Zouk, je suspecte alors une patte cassée, et l’aura rendu acerbe. La petite créature fragile n’allait plus jamais collaborer. Je lui changeais sa cage, mais je sentais que Zouk était maintenant terrorisé dès qu’un humain approchait. Je le tassais donc de son piédestal au centre du salon pour le déplacer petit à petit vers une zone d’ombre dans un raccoin perdu dans le fond de ma chambre.
Je me souviens quand il guérissait de sa chute… J’étais tellement triste de pas pouvoir l’aider. De pas pouvoir lui dire que c’était un accident et que le délicat ne le toucherait plus jamais. Il est resté plusieurs semaines en boule… J'imagine difficilement la quantité de peur que la petite créature prisonnière a dû générer durant cette période.
Puis la fatalité est venue me frapper. En 3 mois j’ai perdu mon programme universitaire, ma copine, mon appartement et mon emploi. BAM! Zouk m’a suivi dans un nouveau foyer, toujours terrorisé dans sa cage.
Quelques mois plus tard je suis déménagé chez mes parents, question de me refaire un plan de match. Bien que mes parents étaient contre les animaux de compagnie, bin pas le choix, fallait traîner Zouk, petite boule de peur qui était sous ma responsabilité.
Et dans la cave chez mes parents il est arrivé quelque chose de peu commun, selon mes recherches Internet de l’époque. Zouk s’est mis à tourner dans sa roue de hamster. Rien de spécial rendu ici, mais si je te disais qu’il courait durant des heures, pas durant le 20 minutes en moyenne que ma recherche Internet m’a fait découvrir. Je ne me souviens plus l’avoir vu en boule terrorisé: dès qu’il était éveillé, il courait dans sa roue. Il courait tellement dans sa roue, que j’ai dû le sortir de ma chambre pour le mettre dans le salon.
Je passais de longs moments à le regarder aller. Je lui parlais, mais je restais loin, parce que dès qu’on s’approchait, il arrêtait et allait dans son petit terrier de tissu que je lui lavais à chaque changement de cage.
Cette petite chose était ma responsabilité. Je l’avais séparé de sa mère, je n'ai pu qu'être témoin quand il s'est blessé et je n’ai su que faire ensuite. Et de le voir ainsi, se donnant à fond dans la seule activité qui lui était accessible, ça m’a beaucoup fait réfléchir. J’en développais de l’admiration et de la tristesse, je réalisai que l’on peut toujours faire notre possible et, surtout, que c’était le dernier animal en cage que j’allais avoir de ma vie. Je me sentais tellement coupable de l’y avoir fait passer sa vie.
Puis, comme c’est le cas avec les animaux qui vivent quelques années, un jour j’ai remarqué que ça faisait un temps que je ne l'avais pas vu courir. En changeant sa cage j’ai brisé son intimité pour la première fois depuis l’accident et j’ai vu des plaques de poils tombés signifiant une maladie qui semblait bien cruelle. Zouk avait 4 ans, c’est plutôt vieux pour une gerbille, et je constatai, à la vu de sa jambe tordue, vision qui me pousse encore une larme à chaque fois que j’y pense, qu’il avait guéri croche.
Cette petite créature avait autant couru sur une jambe mal guérit? J’en reviens pas encore…
Zouk, ma gerbille et seul animal en cage que jamais je n’aurai possédé m’a offert dans sa fin de vie une sacrée leçon de courage.
Il semblait malade vraiment beaucoup. La situation s’accéléra rapidement et un moment donné ses petits cris que j’évaluai de douleur vinrent à prendre trop de place dans la cave. Maladroitement j’ai prit un sac de plastique et j’y ai inséré Zouk dans son terrier de tissu que je venais de laver une dernière fois. J’ai démarré la voiture familiale et j’ai mit le pot d’échappement dans le sac. Je sais pas pourquoi, je trouvais ça moins cruel que de le foutre au congélateur…
Voilà. C’est tout. Zouk est né dans ma maison en 1997 et est mort dans ma maison en 2001.
La seule vie en cage que je vais jamais avoir possédé.
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