Pour le texte suivant, j’ai eu un beau A dans mon cours d’Analyse des Médias. C’était à l’UQAM à Montréal mais ça reste quand même un texte relevant.
1985, ça c’est une bonne année. La guerre froide, Reagan, ancien acteur de feuilletons, dirige un monde qui vit une récession due à une inflation sans précédent. Tout un buffet pour les promoteurs/vendeurs/diffuseurs d’évènements politiques. Culturellement parlant, 1985 s’est aussi défendue; the Police se séparait, the Pixies naissait (c’est le groupe qui a inspiré le son de Nirvana, c’est dire) et surtout, Sylvester Stallone redevenait, pour la deuxième fois, John J. Rambo dans Rambo : First Blood Part II. Ce n’est cependant pas un hasard si Hollywood a débloqué, en 1985, autant d’argent pour cette production cinématographique hautement violente d’une heure trente. Le Viet-Nam a été perdu 10 ans auparavant, cette défaite militaire, la première et seule en lisse pour les USA, leur fera encore mal pendant très longtemps. Pourquoi ne pas faire un film pour aider à calmer cette douleur et à justifier la défaite? « The falsity of advertising isn’t in the appeals it makes, which are very real, but in the answers it provides. » (La fausseté de la publicité ne réside pas dans l’attrait qu’elle cause, attrait très réel, mais dans les réponses qu’elle propose.) Lorsque Sut Jahlly prononce cette phrase dans Advertising And The End Of The World il cible d’abord la publicité. Cependant, comme il nous le fait remarquer au travers d’extraits de Forest Gump et Independence Day les films, surtout hollywoodiens, ont très souvent une fonction publicitaire toute près de la propagande pro-consommation. Cette phrase de Sut Jahlly nous rapproche également d’un concept cher à l’école de Francfort; en nous fournissant des réponses faciles, égoïstes, en « spécial cette semaine » aux problèmes individuels auxquels nous faisons face et en reléguant les débats véritablement conséquents à l’arrière plan, les médias titillent à fond la caisse notre raison instrumentale. Comme on le sait, la raison instrumentale est en opposition directe avec la raison fondamentale; la première représentant, toujours selon l’école de Francfort qui reprit cette idée aux penseurs grecs, les besoins liés aux plaisirs immédiats, en opposition aux besoins à long terme, représentés par la raison fondamentale. Si l’école de Francfort et un éloquent passage d’un excellent documentaire qui s’y rapporte sont cités, c’est pour introduire l’angle d’analyse du sujet : la raison instrumentale de Rambo II : First Blood Part II. Nous ferons également fréquemment référence à un concept cher aux sémioticiens et aux « cultural studieséens » : le codage de l’information. Comme un film s’adresse à deux sens en même temps, la vue et l’ouïe, le codage est d’autant plus complexe et subtil. Voici donc une analyse en profondeur de ces signes et messages cachés dans ce long métrage qui aura déjà bientôt 20 ans. La manière dont la violence fut codée et le propos latent de First Blood Part II s’inscrivent très bien dans cette ligne de pensée post-défaite militaire. Pour bien comprendre la diffusion excessive de violence dans ce long métrage et la façon dont elle fut codée, on se doit de bien assimiler le fait que les américains n’ont jamais encaissé la défaite militaire totale qu’ils ont subit dans les années 70. Rappelons-nous les nombreux scandales, tribunaux militaires et images des soldats américains quittant Hanoï en laissant tout derrière eux, on comprend alors mieux la psychose sociétaire que cette guerre a laissée. Rambo II se déroule presque exclusivement au Nord Viet-Nam, soit la partie communiste de l’isthme. Pour en faire un court résumé, on retient que le soldat Rambo est envoyé par le diplomate Murdock profondément en zone sous contrôle soviétique afin de photographier (?) des prisonniers de guerre. Bien sûr, le tout ne se déroule pas sans embûches; il se frottera dans son périple à un méchant officier vietnamien et à de sanguinaires pirates; autrement dit, rien de bien extravaguant. C’est lorsque arrive le très méchant officier soviétique Podovsky, haut gradé de l’armée russe, expert en méchancetés gratuites de toutes sortes et symbole vivace de la cruauté caractéristique de tous les communistes, que le souvenir négatif de la guerre est excusé pour la première fois; les américains se battaient à deux contre un, c’est pas juste ça! Ensuite, c’est au moment où le supérieur de Rambo, Murdock, pose une action qui n’a rien de gentil, soit abandonner Rambo aux Viet-Congs, que le film passe son message le plus fort; confirmant la théorie de l’école de Francfort qui avance que les médias travaillent avant tout pour la raison instrumentale ou, le bonheur à court terme de ses consommateurs. Expliquons. La violence démontrée dans Rambo II n’est jamais innocente, elle est en grande partie utilisée pour bien nous montrer, avec tout le réalisme attribuable à Hollywood, ce que les GI américains ont dû encaisser pendant cette difficile guerre. La décision de Murdock d’abandonner son meilleur homme aux mains de l’ennemi se veut également imprégnée de ce réalisme fantoche. Ces braves GI devaient combattre, en terrain inconnu, des Viet-congs beaucoup plus nombreux qu’eux, ce qui était déjà passablement ardu. Mais ce n’est pas tout, car ces soldats vietnamiens travaillaient pour un démon beaucoup plus puissant, infiniment plus sadique et gargantuesquement (wouah! l’adverbe!) plus équipé : les rouges soviétiques. En plus, comme si ce n’était pas assez que deux factions soient léguées contre une seule, les diplomates américains, supposés travailler pour ces braves marines, représentés dans le film par le suintant Murdock, sont en fait des traîtres. Ceux qui ont vu le film se souviennent bien que Murdock n’a jamais porté d’uniforme militaire et que tous ses employés directs étaient des mercenaires, et non des militaires. C’est un « détail » très important, car le message caché dans ce film, le message latent à toute cette violence gratuite, est justement ici. L’armée américaine, représentée dans le film par Rambo, composée de braves marines, possédait sans contredit la force de caractère, les capacités, la détermination et l’équipement pour écraser, atomiser, broyer, etcétérer le communisme. Ce communisme incarné par les vietnamiens et les soviétiques... Ils ne pouvaient cependant rien faire face aux efforts conjugués des trois factions mentionnées plus haut. Autrement dit, si les USA ont perdus la guerre, ce n’est pas de la faute de ses soldats, mais la faute des diplomates américains. Les nombreux soldats et leur familles peuvent dormir tranquille; ce malheur n’est pas de leur faute, c’est la faute des moins nombreux et plus effacés diplomates. De toute façon, qui connaît un diplomate? AH! Une bonne partie des USA sont excusées; Rambo lui-même nous le dit à la fin du film: ce n’est pas de leur faute s’ils ont perdus au Viet-Nam : « …si seulement notre pays pouvait nous aimer autant qu’on l’aime. » Pour en rajouter, dans Rambo II, la violence est toujours utilisée pour calmer la douleur du peuple au niveau du souvenir de la guerre. Cela peu sembler paradoxal, mais il ne faut pas oublier que c’est la défaite militaire que le film essaie d’excuser, non la guerre elle-même, ce qui explique le codage utilisé par l’équipe de production. On est tous d’accord pour dire que le public ciblé par le film est à prime abord américain, sûrement mâle et d’un âge situé quelque part entre 15 et 50 ans. La majorité de ces hommes ont eu un contact avec la guerre; pas nécessairement direct, mais au travers d’un parent, d’un ami, d’une connaissance, des médias, ils ont eu un contact avec la guerre. La violence de Rambo II est diffusée non seulement pour conserver l’intérêt des spectateurs mais surtout pour les réconforter envers leur égo qui en a pris tout un coup à cause de cette défaite puisque jamais, de tout le long du long métrage, ce sont les méchants qui sont à la source de violence éclatante. C’est Rambo qui détruit le camp de prisonniers avec des explosifs, c’est toujours Rambo qui fait exploser à renfort de grenades la péniche des pirates et, finalement, c’est encore Rambo qui atomise l’hélicoptère du haut gradé Podovsky avec son (vraiment très) crédible bazooka. Le tout pour bien rappeler aux spectateurs que les soldats américains sont encore les plus forts, les meilleurs, les plus débrouillards et les plus fiables. Contrairement à l’éclat et l’efficience de Rambo, les méchants, eux, n’utilisent que de la violence passive, non expéditive et souvent psychologique pour vaincre leur ennemis. Le tout étant codé pour que le public cible comprenne à quel point le communisme est un ennemi vicieux, fourbe et traître. On se souviendra de la séance de torture sur le sommier de lit électrocuté, du poignard chauffé à blanc dirigé vers l’œil d’un pauvre prisonnier de guerre et de la fosse à purin pleine de sangsues. Les soviétiques et les Viet-congs n’utilisent rien de franc ou de flamboyant. Ils justifient plutôt la contre-attaque de Rambo en torturant psychologiquement et physiquement leurs pauvres, mais néanmoins braves (j’insiste), prisonniers de guerre américains. Dès que toutes les facettes de la méchanceté des ennemis de Rambo sont établies, on peut le laisser contre-attaquer. Le summum de cette méchanceté communiste étant l’assassinat dans le dos de Co Bao, seule femme pure du film qui n’utilisait son arme que comme parure, jamais pour se battre. La mort de Co Bao est un moment névralgique de First Blood Part II puisqu’à partir de ce moment, Rambo n’a plus à être galant. C’est comme si Rambo se retenait d’être réellement efficace (lire violent) contre ses ennemis pour protéger la pudeur de sa nouvelle conquête. En se voyant enlever de force cette contrainte qu’il s’auto-imposait pour cause de savoir vivre, d’éthique morale et d’intérêt amoureux latent, John J. Rambo n’a plus aucune raison de se retenir et peut laisser éclore tout son potentiel destructif. On se souviendra du regard déterminé qu’il lance après avoir attaché son bandeau dans son front, brrrr…mauvais temps pour voter loin à gauche... Donc, dès que toutes les excuses justifiant la défaite militaire américaine sont étalées et expliquées. Que tout le monde comprend à quel point ce ne fût pas facile pour ces soldats de la meilleure armée jamais assemblée. On peut, pour le plaisir des spectateurs maintenant informés et rassurés, laisser Rambo faire le ménage de la façon la plus spectaculaire possible pour faire le plus de bien possible aux spectateurs aigris par le souvenir de cette défaite...vous vous rappelez la raison instrumentale? Comme ce travail développe beaucoup sur le pourquoi et le comment du codage de la violence de Rambo II : First Blood Part II, il est important de développer sur le concept de violence diffusée. Les répercussions de la violence médiatisée ne sont pas les mêmes tout dépendamment du spécialiste que vous privilégiez. Certains spectateurs peuvent être dégoûtés alors que d’autre seront stimulés ou excités par un contact avec de la violence médiatisée. En ce qui concerne ce film, la question se pose toujours. Cependant, la notion de public cible facilite de beaucoup la compréhension du spectre des réactions possibles provoquées par First Blood : Part II. Saviez-vous que, à la suite du visionnement de ce film, des camps d’entraînement maison sont nés un peu partout aux Etats-Unis? Des papas et des mononcles ordinaires, qui avaient sûrement eu un lien assez direct avec la sus-mentionnée guerre du Viet-Nam, ont décidés, de leur propre chef, de s’entraîner en groupe dans leur jardin dans le but avoué de mettre sur pied une expédition et d’aller au Viet-Nam pour aller délivrer leur gars. Bien sûr, aucune de ces expéditions maisons n’est réellement allée au Viet-Nam. Ce n’est qu’un exemple prouvant que le message codé du film a fait son œuvre. Il a su influencer plusieurs personnes, et pas des enfants innocents, à vouloir recopier les gestes du brave et héroïque Rambo et retourner au Viet-Nam montrer aux soviets à quel point ils n’avaient pas donné tout ce qu’ils avaient à donner. Ça aussi c’est assez aberrant... D’un autre côté, la violence incessante du film a sûrement dégoûtée maintes femmes, aucun propos sexistes intentionnels. C’est que, ce n’est pas un film pour le beau sexe, seulement 180 phrases complètes y sont prononcées, pour un total d’environ huit minutes de dialogue contre une quarantaine de minutes de violence, morale ou matérielle, on ne peut plus franche et explicite. On peut facilement comprendre une mère de vouloir garder son enfant loin d’un tel ratio violence/discussion. D’autant plus que les seules femmes du films sont soit des prostituées soit des femme-homme qui cachent leur courbes derrière un AK-47, tout ce qu’il y a de plus sexy et confortable quoi! C’est légitime de penser ainsi puisque la violence diffusée est considérée, par plusieurs spécialistes, notamment les béhavioristes, comme très influente. Surtout si elle est absorbée par de jeunes enfants, ou, comme dans l’exemple plus haut, des vétérans à l’orgueil blessé en manque de sensations fortes. Dans cette optique, on peut douter fortement que First Blood : Part II ait été originellement produit dans le seul et unique but de divertir son auditoire. Hollywood n’a pas investit tout cet argent dans une production qui se voulait uniquement divertissante. Il est évident que plusieurs des personnes ayant vu ce film ont espéré pouvoir redonner la monnaie de leur pièce aux ennemis du monde libre qu’étaient les Viet-congs. Rambo II, par effet de catharsis (extrême), a sûrement, comme nous l’avons démontré plus haut, aidé à guérir un bobo beaucoup plus grand que le besoin d’un film d’action. Les fanas de sémiotiques diraient que les signifiants utilisés dans Rambo II le furent pour que les spectateurs américains y réfèrent le message décrit plus haut. Les cultural studieséens croient que Rambo II fut codé spécialement pour que le public américain, qui souffre au niveau de la fierté nationale, y décode des justifications/explications à leur souffrance. Une chose est cependant certaine : ce film parle beaucoup plus fort à un américain d’origine ou à quelqu’un qui comprend, aime et s’identifie à la culture américaine qu’à une personne d’une autre nationalité et/ou qui ne s’identifie pas à la culture américaine. Ensuite, pour élargir quelque peu le sujet tout en apportant une preuve indirecte à notre propos; vous souvenez vous de la vague de films mettant en vedette le président américain? Air Force One, Independance Day, Deep Impact, An American President, ont tous prit l’affiche l’année suivant le scandale impliquant Monica Lewinsky, Bill Clinton et un cigare. Le marché chinois commence à menacer l’hégémonie économique américaine...c’est drôle mais ça coïncide avec une belle brochette de « boss de la fin » asiatiques : Tomorrow Never Dies, Lethal Weapon 4, Rising Sun, Black Rain, Die Another Day. C’est dans la volonté de diffusion hollywoodienne de guérir les maux de la société américaine; il n’y a aucun compromis pour les majors du cinéma puisqu’on fait plaisir à notre audience en titillant leur raison instrumentale, tout en faisant un maximum de plein de blé. Bien sûr, les nombreux films américains racontant le Viet-Nam ne sont pas intégralement construit dans la même optique que Rambo II. Notamment, Platoon, du réalisateur Oliver Stone, approche la guerre beaucoup plus caustiquement; cependant, le succès et la rentabilité de Rambo II démontrent bien la force et la portée du message latent au film, tout en confirmant le besoin effectif du peuple américain d’appliquer un baume musclé sur une blessure qui n’est surtout pas de leur faute. Encore une fois pour l’oncle Sam : surtout pas de leur faute! Merci Rambo II! Notre boule de cristal extrêmement précise et savante nous prédit une tendance aux films avec des méchants de sang bleu qui parlent arabe et qui croient en un dieu unique qui n’est pas Dieu...Quelle science !
Moins 7,5
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