paru dans l'Itinéraire d'Avril 2019
Nous vivons une époque pas mal spéciale. Chacun tient dans sa main une technologie qui aurait permis de gagner n’importe quelle guerre du passé et nous on l’utilise pour être au courant en temps réel que la fille qui fait un show de cuisine n’est plus en couple avec le gars qui l’aidait à faire ledit show de cuisine.
Nos ancêtres n’en reviendraient tout simplement pas du confort et de l’accès à l’information auquel on a tous droit et, personnellement, je place Wikipédia tout en haut de la liste des choses les plus solidement utiles que l’humanité s’est donnée à elle-même, avec le feu, la roue et le fromage gouda.
C’est certainement plus facile que jamais de s’informer, mais bien que l’information, ce qui inclut les photos de parties intimes, soit plus facilement partagée, son omniprésence fait qu’elle en est banalisée, voire diluée, de par ses sources de plus en plus nombreuses et, et c’est là le problème, floues.
C’est le 22 janvier 2017 qu’une des barrières entre réalité et fiction a été fracturée. Ce jour-là, Kelly Ann Conway humoriste déchue et conseillère séniore du Président Trump, a utilisé une tournure de phrase qui aura porté l’humanité vers une nouvelle ère.
‘Puis-je vous proposer ces faits alternatifs’ a-t-elle mentionné, le plus sérieusement du monde, sur un canal spécialisé en nouvelles, à un commentateur impuissant et à une civilisation qui croit que l’eau en bouteille est meilleure que celle des aqueducs.
Avant cette entrevue importante, un fait, selon le dictionnaire Larousse, c’était quelque chose de ‘reconnu comme étant certain, incontestable.’ Un fait, c’était 2 + 2 = 4, l’eau est mouillée, le feu brûle, la Terre est ronde et l’espace est immense. Ça, c’étaient des faits...
AVANT.
Depuis, Kelly-Ann a verbalisé quelque chose qui est de plus en plus admis: les opinions ont la même portée et la même importance que les faits, puisqu’on a maintenant tous le potentiel d’opposer aux faits, certains et incontestables, des faits alternatifs, dégotés sur un site à l’éditorial qui ressemble plus aux idées qui nous aident à bien dormir. C’est simple, depuis le 22 janvier 2017, il existe plus d’une vérité, et on a tous dans nos poches un appareil pouvant nous aider à nous convaincre, pour ensuite partager la vérité qu’on préfère.
Et c’est là que le gros bon sens doit rattraper les événements en cours. C’est très facile d’avoir une opinion, tout le monde en a plein sur tout. Ces opinions nous procurent une petite chaleur au ventre lorsqu’on les partage et qu’elles sont bien reçues. Mais il ne faut pas oublier que le contraire peut arriver : il est très important de se souvenir que, malgré la petite piqure qu’on ressent quand d’autres ne sont pas d’accord avec nous, ce qu’on a exprimé avant n’était qu’une opinion, pas un fait alternatif et encore moins un fait.
En cette ère de médias sociaux, il est plus que jamais primordial de se souvenir que nos opinions ne sont que ça: des conceptions bien personnelles, et que c’est normal pour les autres d’avoir, eux aussi, des opinions. Elles ne seront pas nécessairement en phase avec les nôtres, et c’est correct.
J’ajouterai que c’est aussi très possible d’en avoir rien à secouer des opinions d’autrui et que c’est également possible, ascendant mature, d’admettre n’avoir aucune opinion sur un sujet particulier pour lequel on ne serait pas assez informé ou pour lequel on n’a tout simplement pas d’intérêt.
Maintenant, partage cet article et passe un bon été.
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